mercredi 22 janvier 2014

IVG: mon histoire...

C'était en mai 2008...
J'étais séparée du papa de Magrande depuis plus d'un an, je vivais une relation avec C. et, alors que j'étais d'habitude menstruée comme une horloge, paf, je m'aperçois d'un retard de règles...
Non, pas possible d'être enceinte, je suis sous contraception...
Et pourtant, re-paf, le test de grossesse se révèle positif...

Ma première pensée a été : "J'avorte..."
C. et moi n'avions pas une relation stable, je doutais de la pérennité de cette dernière, j'avais déjà une enfant issue d'une première union, je n'envisageais pas d'élever seule 2 enfants de 2 pères différents...
J'ai donc pris RDV chez mon gynéco qui a réalisé une échographie à l'aveugle (je ne voyais pas l'écran), qui a retiré mon stérilet (cela aurait dû provoquer une fausse couche) et qui m'a dit de revenir le voir après le week-end pour me prescrire le fameux Cytotec (petit cachet magique qui provoque une fausse couche...). Il voulait que je prenne le temps de réfléchir...
Le retrait du stérilet n'a rien fait et j'ai réfléchi, beaucoup, trop sans doute...

L'éthique, la morale, le questionnement, le doute, l'instinct maternel, la stérilité d'une amie, etc sont venus changer ma première pensée en "Je garde..." (j'exprime mon avis, et uniquement mon avis, car C. s'en foutait royalement...).
Nouveau RDV chez le gynéco; je lui annonce que finalement, j'ai décidé de garder ce bébé. Il me fait donc une échographie où j'ai accès à l'image et je vois la petite tâche blanche, le petit minuscule embryon...
Et puis passent les jours et je doute, encore et encore, sur l'avenir qui nous attendra, Magrande, ce bébé en devenir et moi... 
Entre temps, je découvre la vraie nature de C. (un gros salaud, rien de moins) et je panique...
Que vais-je faire, seule avec 2 enfants? Comment vais-je assumer? Comment aimer l'enfant d'un homme que je déteste et dont je n'ai pas voulu? Comment assumer, plus tard, ce non-désir d'enfant? [Coucou, tu es né(e), mais je ne voulais pas de toi et ton géniteur non plus... d'ailleurs, il s'est barré... Ah mais oui, ta soeur était fortement désirée elle...La psychanalyse, c'est par là...].

Et puis un jour, j'ai craqué... et je suis revenue à ma toute première pensée : "J'avorte..." (toujours suivre sa première impression... cela évite de perdre du temps...)
Troisième RDV chez le gynéco...
L'IVG médicamenteuse n'étant plus possible, il va falloir passer par un curetage avec anesthésie générale...
Direction le service hospitalier s'occupant des IVG...
Je rencontre le médecin qui va réaliser l'intervention... Elle me parle, me questionne sur les raisons de ma démarche, me demande si j'ai bien réfléchi, me fait douter, me fixe un RDV pour la semaine suivante...
La semaine suivante, je rencontre un médecin psychologue, et rebelote les questions et tout le tralala...
Et je signe des documents car, oui, je suis sûre de vouloir interrompre ma grossesse, car oui, je suis certaine de ne pas vouloir garder cet enfant dont je n'ai jamais voulu...

L'intervention est fixée au 10 juillet...
Je rentre à l'hôpital, seule, à 7h, à jeûn...
On me place dans une chambre et j'attends, j'attends, j'attends pendant 2 heures, à ruminer, à pleurer, à regretter, à être sûre, à être larguée, à me caresser le ventre, à écrire toutes les pensées qui me traversent l'esprit dans un cahier que j'avais apporté... J'ai peur de ce que je vais faire, j'ai peur qu'il y ait des complications suite à l'intervention: et si je ne pouvais plus avoir d'enfant, par la suite? Et si l'IVG était mal faite et que des complications apparaissaient? Et si, et si, et si?
Et puis quelqu'un est venu me chercher...
Et l'on m'a installée dans le bloc...
Et l'anesthésiste m'a posé le masque et m'a dit de compter jusqu'à trois...
Et 1, et... je me suis réveillée, quelques minutes ou quelques heures plus tard, je ne m'en souviens plus...

Le temps avait été suspendu, pour moi. J'avais l'impression d'en être restée au moment où l'anesthésiste m'avait posé le masque sur le visage...
Il s'est juste passé que, au cours de cette faille spatio-temporelle, on m'avait aspiré l'intérieur du bide, nettoyé l'utérus, Interrompu Volontairement ma Grossesse...

J'ai été reconduite dans ma chambre et j'ai attendu l'heure de pouvoir sortir...
Je n'avais plus toutes ces angoisses qui me serraient le ventre quelques heures auparavant...
C'était fini, terminé... 
Ma vie allait pouvoir redevenir telle que je l'avais laissée avant d'être enceinte...
Enfin non, elle ne serait plus tout à fait la même car l'IVG m'a laissé une marque, indélébile...
C'est mon meilleur ami qui est venu me chercher à l'hôpital car C. avait mieux à faire ce jour-là...
Il a quand même eu la décence de ne pas me laisser seule la nuit qui a suivi l'intervention... Quel gros connard gentleman...
Et puis le 11 juillet, je suis retournée travailler et aucun de mes collègues n'a su ce que j'avais fait la veille...

Quand quelques années plus tard, sûre de l'homme avec lequel je refaisais ma vie, nous avons décidé d'avoir un enfant, par amour, pour agrandir et souder notre belle tribu, et alors que ce bébé ne voulait pas venir, j'ai paniqué. J'ai cru que quelque chose avait été cassé, abîmé, meurtri lors de mon IVG et que j'étais devenue stérile...
Ironie du sort, je suis tombée enceinte et, au bout de 6 semaines, la gynéco m'a prescrit du Cytotec (un revenant...) pour provoquer la fausse couche de l'oeuf clair qui végétait dans mon utérus... J'ai senti et j'ai vu l'oeuf s'évacuer de moi alors que je prenais ma douche, après un footing, le jour de mes 32 ans... 


Et puis finalement, rien n'était cassé, abîmé, meurtri...
Et ce soir, comme tous les soirs depuis bientôt 21 mois, Mapetite dort tranquillement dans son lit (ouais, ok, elle va se réveiller 3 ou 4 fois... mais je l'aime cette poupinette...Je l'ai tant désirée...).

Tout ça pour dire qu'il n'y a pas d'IVG plus légitime qu'une autre...
Qu'il n'y a QUE des cas de détresse...
Qu'il n'y a PAS d'IVG de confort...
Car chaque femme qui subit cette intervention, quels que soient son âge, sa classe sociale, sa religion, son origine ethnique, sera à jamais marquée par cet acte qui, en effet, n'est pas anodin et ne le sera jamais...
Avant d'y être confrontée, j'étais favorable à l'IVG pour des cas "extrêmes" uniquement (viols, par exemple). 
Mais finalement, face à cette grossesse non désirée, alors que pourtant je n'étais pas un cas "extrême", j'ai eu le DROIT de CHOISIR, j'ai eu le DROIT d'INTERROMPRE, en mon âme et conscience, quelque chose dont je NE VOULAIS PAS. La loi était de mon côté, je n'ai pas réalisé cet acte clandestinement comme l'ont fait nos mères et toutes les générations de femmes qui les ont précédées...
Il est certain que l'IVG ne doit pas se substituer à une forme de contraception.
Il est peut-être nécessaire de revoir la prévention en matière de contraception, d'informer encore et toujours les femmes sur tous les moyens existants pour éviter une grossesse non-désirée.
Mais pour l'heure, ce droit existe et il doit rester, malgré ses détracteurs...



Alors je remercie toutes ces femmes qui se sont battues pour qu'aujourd'hui, nous ayons le DROIT de réellement disposer de notre corps, dans des conditions dignes, et j'espère que nous garderons ce DROIT, pour nos filles et les générations qui suivront...