lundi 10 décembre 2012

Un petit caillou...

Je suis la première à râler quand les enfants ou le namoureux ne vident pas les poches de leurs pantalons, chemises, etc...
Et pourtant, je suis aussi la première à collectionner des trésors dans mes poches... surtout dans les grandes poches des manteaux...
Quel bonheur et quelle surprise de retrouver, l'hiver suivant, le bonbon oublié et fondu et tout collant dans la poche du manteau d'hiver...!

Pourtant, dans ce même manteau au bonbon collant, mais dans une autre poche, j'ai retrouvé un caillou...
Oui, un caillou...
Et bien sûr, je me suis immédiatement souvenue d'où provenait ce caillou qui traîne dans ma poche depuis plusieurs mois... depuis le mois de février...

Alors que j'étais enceinte de 6 mois et demi, le Namoureux et moi avions décidé de profiter d'un week-end sans les grands enfants pour nous échapper et nous retrouver encore un peu à deux!
Direction le Nord-Finistère, à Carantec où nous avions réservé une chambre d'hôtes. Nous avions prévu de nous y balader le matin puis de visiter Roscoff et Saint-Pol de Léon le restant de la journée. Escapade de 24h bien soutenue, en visites, en théorie...
Car, dans la pratique, évidemment, rien ne s'est passé comme prévu...


A Carantec, il y a une petite île, appelée Ile Callot... Elle est reliée au continent par une route, d'un petit kilomètre de long, je pense. La spécificité de l'île est que la route qui permet d'accéder au continent, et inversement, est submersible. En clair, avant de s'aventurer sur l'île, il faut prendre connaissance des horaires de marées pour ne pas avoir les pieds dans l'eau ou rester coincé sur l'île.
Evidemment, n'étant pas trop neuneux, le Namoureux et moi, nous avons pris connaissance des horaires affichés et, instinctivement, nous avons aussi pris nos sacs de rando avec tout ce qui va bien dedans pour boire, manger et se mettre au sec... Nous pensions faire une petite balade d'une heure sur ce bout de caillou...
Hop, voiture bien garée sur le continent, sac à dos sur le dos et chaussures de rando aux pieds, nous voici partis visiter cette petite île.


Petite, elle l'est... Quelques maisons dont une seule est habitée à l'année...
Une chapelle, refuge des marins...
Et voilà, toute la vie et l'animation de l'île se résument à ces quelques détails...
Bien entendu, les paysages sont très beaux, les cultures de choux et d'artichauts nous rappellent que nous sommes bien dans le Pays du Léon...
Nous croisons quand même un autochtone qui nous invite à rejoindre le continent car la mer monte...
Nous hâtons le pas mais, je rappelle que je porte un bébé de 6 mois dans mon ventre, pas assez vite et, lorsque nous arrivons au bout de l'île, au début de la route qui devrait nous ramener au continent, nous ne pouvons que constater que l'eau a recouvert la dite route et que nous sommes ... coincés...

Coincés...
Honnêtement, j'étais prête à traverser à la nage pour rejoindre le continent. Nous avions des vêtements propres et secs dans la voiture, let's go...
C'était sans compter la sagesse du Namoureux qui m'a rappelé mon lest ventral, la température de l'eau à cette période de l'année et surtout le risque d'éventuels courants marins... 
Coincés...
Il nous fallait désormais attendre la prochaine marée basse.... soit le temps que la marée qui nous bloquait finisse de monter et qu'elle descende ensuite pour nous laisser passer... Ca faisait un bon 7h-8h à attendre...
Coincés...
Il était midi, nous avions entre 7h et 8h à attendre sur un caillou où il n'y avait RIEN, nous étions au mois de février, dans le nord Finistère, exposés aux vents, à la pluie quasi certaine, aux températures frisquettes, et pas un troquet aux alentours où nous mettre à l'abri, au chaud, si ce n'est la chapelle...
Coincés... et angoissés...
Qu'allions nous faire tout ce temps?




Et bien pendant toutes ces heures, nous avons pris le temps....
Nous avons pris le temps de manger, pendant une averse, à l'abri de cette chapelle qui fut pour nous un refuge d'un instant...
Nous avons pris le temps de visiter ce magnifique petit bout de terre, d'explorer tous ses coins et ses recoins, d'escalader les rochers, ...

Nous avons pris le temps de regarder l'océan, de nous émerveiller devant les différentes teintes qu'il prenait en fonction de la couleur du ciel... Une vraie harmonie entre le ciel et l'eau...
Le Namoureux a pris le temps de faire des photos comme il le voulait, sans que je le presse de faire sa photo et voilà... Nous avions le temps qu'il prenne le temps...
J'ai pris le temps de ramasser des galets dans le sable et d'écrire, à la seule vue du ciel et des mouettes, le prénom que nous avions choisi pour le bébé qui prenait le temps de grandir dans mon ventre... C'est d'ailleurs de ce moment que proviens mon petit caillou...
Nous avons pris le temps de discuter, beaucoup, et encore plus que d'habitude mais aussi d'être silencieux, ensemble, chacun dans ses pensées...
Nous avons pris le temps d'aller à la rencontre du seul couple qui habite à l'année sur l'île; lui est né sur cette île et il y mourra... Elle, l'île l'a adoptée... A plus de 80 ans, ils ont pris le temps de nous offrir un café chaud et de nous raconter 1001 anecdotes de cette île. Car des naufragés, comme nous, il y a en a tous les ans... plus ou moins imprudents. Des fins tragiques, il y en a eu également...

La nôtre ne le fut pas, heureusement...
Alors que la nuit tombait, le vieux monsieur nous a indiqué un chemin, par un banc de sable, qui nous permettrait de passer et de rentrer sur le continent avant que la mer ne soit complètement basse...
Curieusement, le temps est devenu vraiment mauvais... Le crachin est devenu de plus en plus épais, le vent de plus en plus fort...
Nous avions les pieds mouillés et malgré nos ponchos, nous nous sentions trempés...
Pour ma part, j'étais angoissée... Marcher sur un banc de sable sur lequel on distingue à peine le relief, dans la nuit, le froid, la pluie... me faisait peur...
Mais je voyais les lumières du continent... la Terre Promise...

Et puis nous avons enfin mis un pied sur la "terre ferme"...
Et puis nous avons rejoins notre voiture...
Et puis nous avons rejoins notre chambre d'hôtes, trempés jusqu'aux os...
Et puis nous avons apprécié cette chambre chaude et sèche, ce bain chaud et moussant, ce kig ha farz chaud et succulent, ce verre de vin goûtu et chaleureux et ce grand lit chaud et moelleux où nous nous sommes endormis, épuisés par ces huits heures passées au grand air... 

Je suis contente d'avoir retrouvé ce petit caillou dans ma poche...
Il m'a rappelé cette inoubliable journée...
Il me rappelle combien il est important de savoir prendre le temps... Que 1001 choses nous échappent si nous ne prenons pas le temps de les regarder...
Et il me rappellera qu'il faudra quand même, un jour, qu'on aille visiter Roscoff et Saint-Pol de Léon...

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